Qu'est-ce que l'obligation d'exploitation permanente et suivie en matière d'édition ?
1. Principes généraux de l'obligation d'exploitation permanente et suivie
L'obligation d'exploitation permanente et suivie est une obligation essentielle et centrale du contrat d'édition.
Cette obligation commence dès la publication de l'ouvrage et implique que l'éditeur assure une promotion et une diffusion régulière et active de l'œuvre.
En ce sens, la Cour d'appel de Rennes a jugé le 16 septembre 2022 que l'éditeur ne peut s'exonérer de ses obligations contractuelles à l'égard d'un auteur sous prétexte de difficultés de gestion, telles qu'un changement de distributeur, et que de tels manquements sont d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'éditeur.
La Cour précise en outre que l'obligation d'exploitation permanente et suivie implique plusieurs diligences :
Assurer une promotion effective de l'ouvrage (par exemple, envoi à la presse, communication auprès des critiques, etc.).
Maintenir une diffusion commerciale active et régulière, incluant la gestion de la distribution.
Respecter les usages professionnels en matière de mise à disposition et de visibilité de l'ouvrage.
L'absence ou l'insuffisance de ces diligences (faible promotion, rupture de stock injustifiée, absence de présentation dans les catalogues ou bases de données, etc.) peut constituer un manquement grave, justifiant la résiliation du contrat d'édition aux torts de l'éditeur
2. Nature de l'obligation : obligation de résultat ou de moyens ?
La jurisprudence et la doctrine divergent sur la qualification exacte de cette obligation.
Certains la considèrent comme une obligation de résultat, obligeant l'éditeur à assurer la promotion et la diffusion de l'œuvre, tandis que d'autres la voient comme une obligation de moyens renforcée, l'éditeur devant prouver qu'il a accompli toutes les diligences qui s'imposent à lui et qui sont celles d'un bon professionnel.
Ainsi, la Cour d'appel de Paris a jugé le 22 février 2012 que l'éditeur n'est pas tenu d'être proactif en toutes circonstances, dès lors que l'exploitation normale de l'œuvre a été atteinte et que ses diligences sont suffisantes.
En l'espèce, elle constate que l’œuvre a régulièrement été exploitée (exploitation graphique ; publicité ; bande-son d'un film à succès). et considère que l'exploitation phonographique, en France et à l'étranger, a bien été exécutée sans qu'il soit utile de rechercher si l'éditeur a entrepris des démarches positives ou s'il s'est contenté de répondre aux sollicitations des maisons de disques et autres intervenants.
3. Sanctions en cas de manquement
En cas de non-respect de l'obligation d'exploitation permanente et suivie, la sanction la plus fréquente est la résiliation judiciaire du contrat d'édition aux torts de l'éditeur, laquelle peut être prononcée sur le fondement du droit commun des contrats ou des dispositions spécifiques du Code de la propriété intellectuelle.
Il est à noter qu'en cas de contrat d'édition portant à la fois sur des droits imprimés et numériques, la résiliation de la partie relative à l'exploitation imprimée n'affecte pas nécessairement la partie numérique, et réciproquement, selon les textes applicables depuis la réforme de 2014.